vendredi 11 novembre 2011

Eloge de l'amour par Henri Callat


ELOGE DE L’AMOUR

compte rendu commenté du livre d’Alain Badiou présenté au Colloque Interdisciplinaire de Carcassonne des 1er, 2 et 3 juillet 2011 par Henri CALLAT

« Le canot de l’amour s’est brisé sur les récifs de la vie courante »
Maïakovski (13 avril 1930)

1) Rencontres amoureuses
2 ) Petite phénoménologie de l’amour
3) De la phénoménologie à la théorie
4) L’identité humaine

Personnellement je pense , au risque de passer pour « parano » ou – ce qui serait plus grave encore – philosophiquement ignorant , qu’on n’a jamais écrit rien d’aussi clair – d’aussi vrai – depuis … « Le Banquet » de Platon il y a 25 siècles ! J’assume cette affirmation.
Parler d’amour en effet par les temps qui courent, expose l’imprudent – ou le naïf – à se fracasser sur l’écueil du ridicule ou, plus simplement, « sur les récifs de la vie courante » ,comme l’écrivait Maïakovski dans sa lettre expliquant son suicide, le 13 avril 1930. Eh bien, avec Alain Badiou dans son livre, j’ose affirmer que l’amour existe et que « je l’ai rencontré », comme dit l’autre, quoique sur un tout autre registre !

1) Rencontres amoureuses
1) Je l’ai rencontré d’abord chez Platon et le célébrissime « Banquet » où Badiou relève la proposition suivante (approximativement traduite) « Qui ne commence pas par l’amour ne saura jamais ce qu’est la philosophie » . Commentant Platon Badiou a vu juste : il y a dans l’amour, écrit-il, « un germe d’universel » qui s’impose à nous dès les premiers propos tenus sur la question. « L’expérience amoureuse (je le cite) est un élan vers quelque chose (que Platon) va appeler l’Idée. Ainsi même quand je suis simplement en train d’admirer un beau corps, que je le sache ou non, je suis en route vers l’idée du Beau ».« Etre en route vers… » quelque chose d’autre que ce que je vois présentement et momentanément , c’est à dire expérimenter une problématique d’ouverture ( quel que soit d’ailleurs le sens que je lui donne et celui de Badiou, on l’aura deviné, n’est pas celui de Platon) , voilà bien la démarche inhérente à la plus banale expérience amoureuse : de l’universel est déjà présent, tout au moins « en germe », virtuellement, dans le particulier ! Et Alain Badiou d’ajouter : « Avec comme point de départ une chose qui, réduite à elle-même, n’est qu’une rencontre, presque rien, on apprend qu’on peut expérimenter le monde à partir de la différence et non pas seulement de l’identité ».
« Différence » et « Identité » voilà bien les deux concepts-clefs qui nous placent au cœur même de notre problématique . Proposition théorique qui s’oppose nous fait bien remarquer Badiou, à la conviction largement répandue que chacun ne suit que son intérêt .


2) L’amour je l’ai aussi rencontré chez tous les successeurs philosophes de Platon dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils n’ont pas particulièrement brillé dans ce domaine !... Je sauterai à pieds joints sur la longue suite des « professeurs d’amour » pour m’arrêter sur les trois grandes catégories qui en résument approximativement la variété :
a) Ceux que j’appellerai les « transfigurateurs romantiques » néo-platoniciens en quelque sorte, pour lesquels l’extase amoureuse est tout. Le malheur comme le fait remarquer Badiou , est qu’ils se consument – ou se consomment – avec elle : l’éternité promise ne dure que ce que durent les roses… Mettons – en faisant vite - dans cette première catégorie les « surréalistes » de toute obédience et les « mystiques » de toute catégorie …

b) A l’opposé les « réalistes » ou les cyniques de tous bords pour qui l’amour n’est qu’une illusion, une suite (je cite Badiou ) d’ « arrangements sexuels plaisants et remplis de jouissance en faisant l’économie de la passion »(p . 17). Nous dirions aujourd’hui que pour ceux-là de bons sexologues feraient parfaitement l’affaire dans la recherche de solutions essentiellement techniques, pragmatiques et rationnelles à tous ces problèmes.

c) Au milieu – au centre – la masse des médiocres, les prudents et les « sécuritaires » pour qui l’amour se pense essentiellement comme un contrat , « une espèce de conjugalité préparée qui se poursuivra ou non dans la douceur de la consommation »(p .17).
Dans cette grille on pourrait faire rentrer les noms de bien des petits ou même de « grands » philosophes à travers l’histoire. Dans le présent je n’en retiendrai que deux emblématiques de ces situations amoureuses : Schopenhauer à la misogynie légendaire qui « ne pardonnera jamais aux femmes d’avoir eu la passion de l’amour, parce que c’est comme ça qu’elles ont rendu possible la perpétuation de cette espèce humaine qui pourtant ne valait rien » (p 20) . Kierkegaard, mélange de romantisme exacerbé et d’éthique impuissante dont la relation (les fiançailles) avec la femme aimée, la célèbre Régine, se termina par un lamentable fiasco !...
Devant ce qu’il faut bien appeler un chaos sentimental historique, nous est-il aujourd’hui possible de construire une théorie de l’amour qui donnerait lieu à son « Eloge » comme le prétend et veut le démontrer Alain Badiou dans son livre ? Rimbaud n’aurait-il fait que rêver inutilement en proclamant que l’amour est à réinventer ? Je ne livrerai bien entendu que les grandes lignes d’un schéma, plus précisément que quelques concepts qui firent cruellement défaut jusqu’à ce jour à tous ceux qui abordèrent cette question ( mesurez bien notre prétention qui n’est pas petite !...). Je vais donc me livrer à une rapide phénoménologie de l’amour en 5 Actes, en 5 points si l’on préfère.


2) Petite phénoménologie de l’amour
Acte 1
: Tout commence, nous dit Badiou, par une rencontre absolument contingente et hasardeuse. Rencontre paradoxale puisqu’elle porte déjà en elle une dimension de durée, de long terme : « je t’aimerai toujours »… évidemment ! Nous retrouvons là sous une forme concrète, le « germe d’universel » repéré par Platon dans l’élan amoureux tout entier dirigé vers l’idéalité du Beau, du Bien, etc… Remarquez que le Poète – il s’agit ici de Saint-John Perse dans « Amers » - a bien intuitionné ce paradoxe ; s’adressant à l’être aimée il écrit ces deux vers : « Et par toi cœur aimant toute cette étroitesse d’aimer , et par toi cœur inquiet tout l’au-delà d’aimer ».

Acte 2 : Nous voici maintenant, si j’ose dire, au cœur même de notre problématique : cette rencontre se réalise sur ce que Badiou appelle « la scène du deux », c’est à dire – deuxième paradoxe – en un « lieu » qui implique la différence comme définition de son identité ! Badiou appelle cette situation inédite « le paradoxe d’une différence identique » . C’est en effet à travers deux regards que le monde désormais va être regardé, à travers l’étonnement de deux regards qui se croisent .Vous allez peut-être me dire que Saint Exupéry l’a déjà dit « Aimer ce n’est pas se regarder l’un l’autre, mais regarder ensemble dans la même direction ». Attention, il convient ici de bien préciser ce propos et de sortir de la seule métaphore pour trois raisons fondamentales :
a) cette rencontre se fait dans le monde et non dans quelque mystique « Lune de miel » même si, au départ tout au moins, les deux amants peuvent croire naïvement qu’il en est ainsi (ils seront vite détrompés).

b) cette rencontre implique en même temps et du même mouvement le monde comme objet (même si, au départ encore, les deux amoureux peuvent croire qu’ils sont « seuls au monde »). Ils s’apercevront bientôt qu’il n’en est pas tout à fait ainsi…
c) cette rencontre dans le monde et qui a le monde pour objet permet de le regarder différemment à partir de « la scène du deux » , ce qui n’était pas le cas quand cette scène n’existait pas encore . Une simple illustration de ce fait tirée du livre d’Alain Badiou révèlera l’évidence de ce propos . Très poétiquement il écrit (p.28) : « Si, appuyé sur l’épaule de celle que j’aime, je vois disons, la paix du soir sur un lieu montagnard, la prairie d’un vert doré, l’ombre des arbres, les moutons au museau noir immobiles derrière les haies et le soleil en train de s’absenter derrière les rochers, et que je sais, non par son visage, mais dans le monde même tel qu’il est, que celle que j’aime voit le même monde, et que cette identité fait partie du monde, et que l’amour est justement, en ce moment même, ce paradoxe d’une différence identique, alors l’amour existe, et promet d’exister encore ».Ce texte est d’une portée philosophique majeure, je devrais dire épistémologique majeure. Je le complète par la suite qui lui confère une intelligibilité encore plus grande : « C’est qu’elle et moi sommes incorporés à cet unique Sujet, le Sujet d’amour, qui traite le déploiement du monde à travers le prisme de notre différence, en sorte que ce monde advient, qu’il naît, au lieu de n’être que ce qui remplit mon regard personnel. L’amour est toujours la possibilité d’assister à la naissance du monde ». Quelques pages plus loin Alain Badiou précise (p.40) : « Que le monde puisse être rencontré et expérimenté autrement que par une conscience solitaire, voilà ce dont n’importe quel amour donne une nouvelle preuve ».Mais pour bien préciser ce point je fais un petit détour par Lacan à la fois disciple et critique de Freud. Lorsque Lacan affirmait au grand scandale de ses contemporains qu’ « il n’y a pas de rapports sexuels » parce que, disait-il, dans ce faux rapport, chacun reste enfermé dans sa propre jouissance, il avait à la fois profondément raison … et profondément tort ! Profondément raison parce qu’il ne faisait que constater l’état présent de ce sentiment qu’on appelle « l’amour » chez ses contemporains –philosophes ou non – mais devenus pour la plupart et à des degrés divers, dans nos sociétés ultramarchandisées, de simples « valeurs d’échange » , des objets instrumentalisés et relativement interchangeables . Ne change-t-on pas d’amour aujourd’hui un peu comme on change de chemise ?...
Mais il avait aussi profondément tort – je devrais dire théoriquement tort - parce que, tout Lacan qu’il était, il ignorait qu’un rapport sexuel –même inexistant au sens lacanien du terme- contient déjà, implicitement, une dimension humaine complexe (comme dirait notre cher Edgar Morin) c’est à dire au moins un « germe d’universel » (comme disait déjà notre non moins cher Platon) ! Et tout récemment, dans un article du journal « Le Monde » (19-20 juin 2011) d’éminents sexologues viennent en quelque sorte à la rescousse de Platon et de Morin quand ils écrivent : « …l’acmé du plaisir…ne se limite pas à une vision mécanique des choses. Elle met en jeu un processus cérébral et psychique fait de fantasmes, d’émotions, de sentiments, d’une histoire et de pratiques singulières, et nous ne prétendons pas rejeter la primauté des facteurs psychiques dans le déclenchement du plaisir … » Ce qui vérifie parfaitement la thèse d’Alain Badiou (p.54) : « Les difficultés de l’amour ne tiennent pas à l’existence d’un ennemi identifié (le rival par exemple). Elles sont internes à son processus… ». En clair les animaux copulent simplement à la « saison des amours ». Les hommes, eux, aiment en toutes saisons…même si ce n’est pas toujours avec la perfection souhaitable !...


Acte 3 : Le problème ainsi posé dans le monde dès le départ (rencontre hasardeuse, contingente…), et sur la scène de la différence (scène du deux), se présente maintenant comme un processus , une trajectoire, un mouvement à prolonger, une véritable histoire en puissance. Mallarmé disait que tout le problème consiste à « fixer le hasard », c’est à dire à transformer une simple contingence en histoire, en destin… Ainsi l’exigence d’universalité cesse d’être platonicienne ou platonique : elle ne vise pas quelque bien idéal au sens romantique et lamartinien du terme , « …ce bien idéal que toute âme désire / Et qui n’a pas de nom au terrestre séjour » . On sait comment se termine habituellement cette transfiguration romantique : « Le canot de l’amour s’est brisé sur les récifs de la vie courante ». Tout le monde n’est pas Maïakovski, mais il y a beaucoup de petits Maïakovski autour de nous…


Acte 4 : Il portera sur l’expression mallarméenne « fixer le hasard ». Cette expression ne sera pas maintenant entendue comme un simple processus ni même comme une simple « durée », mais, comme l’écrit Alain Badiou, comme une « procédure ». Et ce n’est pas qu’une nuance. En effet , les deux amants historiques ont à affronter une épreuve historique , plus précisément une série d’épreuves historiques ; c’est tout simplement l’épreuve de l’amour dans le temps ! Ainsi le processus devenu procédure complexe se présente-t-il maintenant comme une construction , une « construction de vérité » comme l’écrit Badiou. En clair comme une construction de la meilleure articulation possible entre la « scène du deux » et le monde, « scène » devenue désormais le « lieu différentiel » , l’origine pratique de toute pensée et de toute action authentiquement humaines ! Badiou voit dans cette « différence » qui caractérise essentiellement la « scène du deux », l’opérateur historique d’une autoconstruction , d’une autocréation continues. Le Poète ,il est vrai, l’a précédé dans cette découverte :
« J’ai tout appris de toi sur les choses humaines / Et j’ai vu désormais le monde à ta façon /J’ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines /Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines / Comme au passant qui chante on reprend sa chanson / J’ai tout appris de toi jusqu’au sens du frisson ». (Aragon )


3) De la phénoménologie à la théorieCalembredaines, chansons que tout cela diront les « réalistes ». Oui, chansons, mais en même temps, inséparablement, théorie moderne, rimbaldienne de l’amour au « point » exact où il rencontre le réel à la fois tragique et enthousiasmant du siècle, du temps !
« Moi, qui me suis dit mage ou ange, écrit Rimbaud, dans la « Saison en enfer », dispensé de toute morale, je suis rendu au sol avec un devoir à chercher, et la réalité rugueuse à étreindre ! Paysan ! "Ce qui permet au même Rimbaud de relever le défi historique et séculaire de l’amour précisément aux dernières lignes d’ « Une Saison en enfer » : « …c’est que je puis rire des vieilles amours mensongères et frapper de honte ces couples menteurs … et il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et un corps » !C’est ce que Badiou appelle (p.54) « le jeu créateur de la différence : c’est l’égoïsme , nous dit-il, qui est l’ennemi de l’amour, non le rival » . Le rival n’a strictement rien à faire dans la démarche amoureuse authentique n’en déplaise à Proust et à quelques autres et à leur conception de la jalousie. « On pourrait dire, poursuit Badiou, l’ennemi principal de mon amour , celui que je dois vaincre, ce n’est pas l’autre , c’est moi, le moi qui veut l’identité contre la différence, qui veut imposer son monde contre le monde filtré et reconstruit dans le prisme de la différence », c’est à dire des deux regards qui se croisent pour mieux se comprendre et mieux comprendre le monde avec eux ! Car l’amour est véritablement et en permanence construction et reconstruction de soi, c’est à dire pour tout dire, création dans la stricte égalité homme / femme sans laquelle la « parité » formellement conçue ne serait que le cache sexe – c’est le cas de le dire – d’une situation culturellement inchangée .


Acte 5 : Et nous voici au dernier « acte » , au dernier « point » de cette courte phénoménologie de l’amour. La « déclaration d’amour » : « je t’aime », était en réalité un véritable « engagement » (Paul Ricoeur aurait dit plus joliment une « promesse », si par promesse on entend cet intervalle qui sépare ce qu’on dit de ce qu’on se propose de faire, autrement dit l’autre nom de la « différence » constitutive de la « scène du deux »). Engagement, promesse soumettant le « toujours » aux risques assumés de ce que Badiou appelle les innombrables « points » d’une existence qui n’est pas un long fleuve tranquille. De ce point de vue l’amour se révèle en effet comme une phénoménologie des corps intelligents , phénoménologie des corps et des âmes mêlés : « … il faut se réunir avec soi-même et avec l’autre, nous dit Badiou . Il faut penser, agir, transformer… » (p.70) ensemble à partir de la « scène du deux », dans « cet enfer moderne où l’homme ne sait plus ce que c’est qu’être deux » (cette fois-ci c’est Aragon qui parle !).
Spinoza – mais que vient faire Spinoza dans cette affaire pourriez-vous me demander – avait très bien posé le problème de la transformation de ce qu’il appelait les « affections » du corps en « affects », c’est à dire des pulsions élémentaires, de la « libido » pour parler freudien, en affections de type nouveau parce qu’élaborées par leurs idées, en clair par une pensée ! Vous vous souvenez peut-être de la définition qu’en donne Spinoza : « J’entends par affects les affections du corps par lesquelles sa puissance est augmentée ou diminuée, secondée ou réprimée et, en même temps, leurs idées ». (Ne jamais oublier en effet la puissance transformatrice, métamorphosante des idées, c’est à dire, tout simplement, du symbolisme ou, comme le dirait Castoriadis, de « l’imaginaire »).
Trois hommes tapaient sur un caillou . On demande au premier : que fais-tu ? Je passe mon temps, répond-il. Même question au second. Réponse : je gagne ma vie. Encore la même question au troisième. Celui-ci répond : « Je construis une cathédrale ! ». Entre les trois il faut choisir si l’on veut donner un sens à l’existence humaine. Plus poétiquement Montaigne dans les « Essais » interroge : « Y a-t-il quelque volupté qui me chatouille, je ne la laisse pas friponner aux sens, j’y associe mon âme : non pas pour m’y engager, mais pour m’y agréer, non pas pour m’y perdre, mais pour m’y trouver ». On aura reconnu dans ces oppositions engager / agréer, m’y perdre / m’y trouver, déjà la notion de « construction de vérité » si chère à Badiou. Nous sommes ici dans la même lignée de ce que j’appellerai l’amour intelligent ! Ce qui ne se régénère pas dégénère, nous dit Edgar Morin, et l’amour en tout premier lieu .

4) L’identité humaineExiste-t-il de plus belle définition de l’identité humaine que cette conception de l’amour ? « Faire l’amour » se dira désormais « faire parler l’amour » , c’est à dire la « différence » essentiellement constitutive de cette « scène du deux » qui est en réalité la scène du monde ! « Triste animal post coïtum », avaient à juste titre constaté nos grands Ancêtres. (pour les non latinistes je traduis : «l’animal est triste après le coït) . « Felix homo quia dixit amorem » (L’homme par contre est heureux parce qu’il sait dire l’amour). En effet dans cet intervalle, cet « entre deux » de la « scène du deux » , pour tout dire cette « différence », s’introduisent, s’insèrent, se lovent toutes les merveilles d’une pensée circonstanciée (poèmes, romans, musiques, œuvres d’art de toutes sortes) , autrement dit la langue même de l’amour. Exactement comme entre mon pouce et mon index quand j’utilise mon portable se lovent des millions de conversations que je puis capter à condition évidemment d’être sur la bonne longueur d’onde ! …
« Scène du deux », scène du monde, ai-je dit. Ce n’est pas qu’une simple métaphore. Un physicien moderne verrait assurément dans ce que nous appelons la « différence », l’écho humain de la plus grande découverte scientifique du siècle(le 20ième), à savoir le « vide » qualifié de « quantique » tout rempli d’une incommensurable énergie ! ( mais ici commencerait un nouvel exposé –profondément interdisciplinaire – où se feraient écho deux démarches jusqu’à ce jour arbitrairement séparées : la science et l’amour ! ) Alors la puissance immanente de l’amour se révèlerait telle qu’elle deviendrait capable de faire sauter le carcan de toutes les métaphysiques transcendantes après avoir fait sauter celui de tous les moralismes hypocrites : « Ama et quod vis fac », s’exclamera le Saint Augustin des Confessions ! Vraie définition de la liberté en ce qu’elle se moque de la morale , pour utiliser une expression pascalienne, c’est à dire de la référence à une quelconque soumission !
De l’antique « Cantique des cantiques » de la Bible au moderne Cantique à Elsa d’Aragon, c’est la même conception – la même théorie – de l’amour qui chemine , la même intelligence de l’homme et du monde . « N’y peuvent séparer ton nom de l’univers » (Aragon).
Mais pour bien comprendre ces choses encore faut-il que le penseur moderne, le philosophe moderne , « absolument moderne » au sens rimbaldien du terme, aient franchi ce que j’appellerais métaphoriquement « le mur de Planck » de la stricte disciplinarité et de toutes les spécialisations, c’est à dire aient accédé à un nouveau paradigme de la pensée qui relie tous les savoirs au lieu de les séparer, qui les entremêle au lieu de les disjoindre, qui les met en écho et en perspective au lieu de les opposer comme dans les systèmes d’enseignement contemporains qui instituent partout compétitivité, sélection, hiérarchie, exclusions , c’est à dire la violence intellectuelle qui est le contraire de l’amour .
Voilà pourquoi pour Alain Badiou le philosophe des temps à venir – disons l’homme des temps à venir – sera à la fois un savant, un artiste, un militant politique et, bien entendu, un amoureux !
En ce dimanche 3 juillet, An de Grâce 2011 de l’ère chrétienne, c’est la grâce que je vous souhaite. Merci de m’avoir si amoureusement écouté .


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