mardi 16 octobre 2012

La démocratie est-elle possible ? (Ghislain Vergnes)

Petit synopsis de l’introduction par G. VERGNES au débat du 2/6/12 sur
« La démocratie est-elle possible ? »

Origine de la question
La communication de NEDJARI (le 29/4/12) sur le Discours de la servitude volontaire d’Etienne de La Boétie (1549) et ses questions :
« le problème est dans …. l’incapacité et l’aphonie intellectuelles à expliquer le principe social »….
Orientation du débat :
- « expliquer le principe social » dans une perspective de finalité démocratique (philosophie politique).
Viser à obtenir à la fin du débat une définition opératoire d’une possible construction politique tendant à la démocratie.
- d’abord aller chercher dans quelques grandes œuvres de théorie politique des éléments sur l’idée de démocratie, puis confronter aux grands problèmes d’aujourd’hui les capacités humaines pouvant soutenir l’aspiration à la démocratie.

1- Court retour sur La Boétie. XVIème
…. Bien que L.B. constate la généralité de la soumission et l’exception de l’aspiration à la liberté, il n’en tire pas la conclusion que c’est la soumission qui est le véritable état naturel, et la liberté une idée de la culture. Nous trouvons cette inversion, d’origine métaphysique, chez tous les penseurs politiques jusqu’à la fin du XIXème siècle.

2- Quelques penseurs classiques qui ont parlé de la démocratie, et deux économistes dont les idées sont indispensables à la compréhension du système politique.
- XVIIème John LOCKE 1632-1704
Deuxième traité du gouvernement civil 1690
« La fin principale en vue de laquelle les hommes s’associent dans les républiques et se soumettent à des gouvernements, c’est la conservation de la propriété » ….
- XVIIIème Jean-Jacques ROUSSEAU 1712-1778
Du contrat social 1762
…. Les hommes ont perdu leur liberté « naturelle » dans une dépravation historique de la société. Voulant la reconquérir dans une société civile ils doivent trouver un fondement où chacun veuille rester libre, quoique soumis à l’autorité : le fondement c’est d’obéir à soi-même, mais en tant que peuple qui se donne à lui-même sa loi.
- XVIIIème Adam SMITH 1723-1790
Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations 1776
…. Pour A.S. la nation est l’espace économique privé où s’exerce la liberté naturelle de l’échange qui est à lui-même son propre régulateur ; l’Etat est le domaine politique public du souverain qui doit garantir la liberté naturelle de l’échange (la propriété, le droit) sans y intervenir…
- XIXème Alexis de TOCQUEVILLE 1805-1859
De la démocratie en Amérique 1835-1840
…. La démocratie c’est le gouvernement de la société civile : la liberté émerge de l’égalité sociale et contribue en retour à la maintenir. « L’avantage de la démocratie n’est pas, comme on l’a dit, de favoriser la prospérité de tous, mais seulement de servir au bien-être du plus grand nombre » qui consiste à produire l’égalité sociale en étendant la propriété à une classe moyenne de plus en plus large…
- XXème Guglielmo FERRERO 1871-1943
Pouvoir 1942
…. Mythe du peuple que le processus historique, depuis la révolution française, s’est employé à transformer en personnage vivant. Opération violente, source de guerres et de « terreur », le processus de légitimation de la souveraineté du peuple a rempli l’histoire du XIXème jusqu’après 1917.
- XXème Eric WEIL 1904-1977
Philosophie politique 1956
…. E.W. estime qu’il y a peu de chances que la pensée philosophique soit entendue des citoyens et gouvernants : car le point de vue philosophique est celui de l’universel et de la raison, celui des acteurs est un point de vue individuel, particulier. Il faudrait pouvoir penser du seul point de vue du gouvernement.

3- Aujourd’hui (et demain !) peut-on espérer une « république bien démocratique » ? comme déjà demandé dans une chanson de 1791

3-1 Economie et politique
a) La politique démocratique… ne pénètre pas dans le fonctionnement de l’économie où il n’y a nulle démocratie dans l’organisation et le vécu du travail…

b) La rapide reprise économique… a ajouté un nouveau rôle à la société que Georges BURDEAU 1905-1988 ( La démocratie 1956 et 1973) décrit comme organisation en contact avec la nature. Il s’agit de la croissance (annoncée comme société d’abondance par J.K. GALBRAITH 1960) qui sera prise en compte sous le terme de prospérité dans le tryptique de la démocratie de G.B…

c) Mais avant de se heurter aux limites de la croissance, la société d’abondance a eu le temps d’installer un autoritarisme « plus étendu et plus doux » anticipé par A. de T. et repris maintenant par Raffaele SIMONE sous la forme de « monstre doux »…

3-2 Société et nature
…. « Il n’y a de richesse que d’hommes » affirmait Jean BODIN (XVIème). L’organisation politique a abandonné à l’économie le contact avec la nature….
Au XXIème siècle un nouvel approfondissement de l’analyse des rapports entre souveraineté et nature suggère que « la politique est une exigence que la nature fait peser sur les humains » (Gérard MAIRET. Nature et souveraineté 2012)

3-3 Individu et information pour comprendre et choisir
…. Comme la variété des situations, des sources d’information, des capacités, est très grande d’un individu à l’autre, les choix sont très divers et leur juxtaposition ne réalise guère l’expression d’une « volonté générale ». On trouve là les éléments qui ont conduit au résultat du théorème d’ARROW (1951) selon lequel la décision d’une collectivité ne peut se faire que dans une seule tête…



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