lundi 27 février 2012

DECLARATION DES DROITS DE LA CULTURE : POUR UN SURSAUT ETHIQUE


DECLARATION DES DROITS DE LA CULTURE : POUR UN SURSAUT ETHIQUE


Contre la formidable inversion des valeurs entre la culture et l'argent, artistes et créateurs de toutes disciplines en appellent à la responsabilité publique et nationale afin de répondre au nouveau défi de ségrégations révoltantes.
Un peuple qui abandonne son imaginaire culturel à l'affairisme se condamne à des libertés
précaires
.

Or, depuis des années, en France, a été engagé et s'amplifie sous couvert d'une crise financière et
économique, un processus qui nous fait craindre le pire. Trop souvent l'encouragement nécessaire à la création contemporaine, signe extérieur et intérieur de richesse d'une Nation, passe après l'exigence de la rentabilité que les industries culturelles publiques et privées poursuivent à travers l'insatiable marchandisation de la culture. Dans le même temps, l'effort de l'Etat pour préserver la culture originale s'étiole et s'abandonne aux mêmes règles.
Le gâchis des talents et des inventions, la dévalorisation du statut des artistes et interprètes
qui en résulte, accroissent d'année en année le chômage qui touche toutes les professions
artistiques comme tant d'autres.
Ce qui se passe au cinéma, au théâtre, à la radio, à la télévision, dans le domaine des marionnettes, dans la danse, la musique et la chanson, le cirque, les arts plastiques, l'architecture, la littérature ou la poésie nous confirme que ce ne sont pas les talents bienvivants qui sont en cause, mais une volonté qui garde obstinément le cap : organiser le partage inégalitaire des êtres humains entre un petit nombre auquel la détention des avoirs et des pouvoirs confère la compétence artistique et une immence multitude de consommateurs voués aux produits standardisés, venus pour l'essentiel d'un ailleurs sans visage et sans âge, otages culturels des audiences, tirages et sondages, en dehors de quoi rien ne serait permis. Dans un tel monde, les artistes ne seraient que des invités de raccroc.
Contre cette formidable inversion des valeurs entre la culture et l'argent, entre le cynisme de
ces décideurs quels qu'ils soient, nous en appelons à un sursaut éthique de tout le monde des
arts et des lettres.
Nous proclamons qu'il n'y a pas dans une nation de valeurs culturelles capables de vivifier
son passé comme de dessiner son avenir sans les incessantes trouvailles de la création
artistique, sans la liberté de leur confrontation, sans la volonté d'en faire le bien commun des
artistes et de leur peuple.
A l'uniforme gris des ambitions mercantiles nous opposons l'arc-en-ciel des sensibilités et des
inteligences, l'ouverture plurielle de la culture des femmes, des hommes du monde entier ».

AUSSI AFFIRMONS-NOUS LES EXIGENCES LES PLUS INALIENABLES DU MONDE
ARTISTIQUE :
– AUDACE DE LA CREATION : d'abord, car au début est le créateur. Les marchands
viennent ensuite, quand ils viennent. Réduire l'oeuvre à un produit, c'est la détruire. Il faut
donc poser, pour l'artiste comme pour le public, le primatr de l'oeuvre sur l'argent afin
d'émanciper l'imaginaire du pécuniaire.
– OBLIGATION DE PRODUCTION : ensuite, car face à une liberté du marché, qui trop
souvent opprime, c'est l'obligation qui affranchit. Obligation nationale de production pour
les entreprises publiques et privées de télévision et de radio, obligation d'affecter une part de
leurs ressources aux oeuvres nouvelles pour les maisons d'édition et de phonogrammes,
obligation de commander et réaliser des créations contemporaines pour les établissemants
subventionnés.
– ELAN DU PLURALISME : en même temps, car rien ne vit qu'au pluriel. Pluralisme de la
culture dans l'espace et dans le temps de la nation, pluralisme des arts dont aucun n'est
mineur quand rien ne rapetisse, pluralisme des esthétiques et des techniques, des goûts et des
couleurs, pluralisme qui ne vise pas au démembrement mais au décloisonnement, où chacun
est soi en apprenant l'autre.
– VOLONTE DE MAITRISE NATIONALE : aussi, et singulièrement de la diffusion et de
la distribution, car, que vaudrait un pluralisme de la création mis au carcan du monopole de
la desserte ? Susciter des circuits de distribution indépendants des multinationales comme de
l'état est une condition de l'égalité des chances dans l'accès des oeuvres à leur public.
– ATOUT D'UN LARGE PUBLIC : encore, avec lequel communiquer et chez lequel
susciter les désirs. La décentralisation a longtemps exprimé cette tradition française qu'est
l'existence d'un grand cercle de connaisseurs. Cette dimension de la liberté des artistes est
plus que jamais à conquérir.
– BESOIN DE COOPERATION INTERNATIONALE : enfin et notamment européenne,
car l'identité culturelle de la France, à laquelle rien ne surait nous faire renoncer est, comme
toute identité, d'autant plus riche que s'y croisent les petrimoines les plus divers. Mais, pour
se croiser, encore faut-il exister, et c'est ce droit à la vie de notre personnalité culturelle que
mettrait en cause un espace culturel européen où ne se croiseraient que des participations
financières.
C'est cet ensemble d'exigences qui peut donner corps à une responsabilité publique et
nationale en matière de culture.
Une responsabilité publique qui permette de soustraire la culture à l'emprise des affaires, de
répondre au nouveau défi des ségrégations révoltantes qui empoisonnent nos lieux de vie,
d'aller au devant des désirs et des plaisirs, des savoirs et des vouloirs d'une société qui se
voudrait moins anonyme.
Une responsabilité publique qui a besoin de moyens, qui exige par conséquent l'engagement
financier de l'Etat comme des collectivités territoriales ainsi que de la contribution des
industries culturelles, ceci sans contrepartie autre que la liberté de création.
Voilà ce que sont pour nous les ardentes exigences de la culture, à l'unisson des forces du travail et de la création dans leurs aspirations à conjuguer au présent la trilogie de notre République : liberté égalité, fraternité.

Je souscris à cette déclaration :
Caro Claude adresse informatique : caro.claude11@orange.fr

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